La tempera à l’oeuf

LA TEMPERA A L’OEUF

 

Le mot « tempera » ou « détrempe à l’oeuf » vient du latin temperare qui signifie « mélanger ». Il s’agît de mélanger (ou lier) des couleurs sous forme de pigments avec de l’oeuf pour obtenir de la peinture. L’oeuf est une émulsion naturelle – mélange d’eau et d’huile – ce qui lui permet d’être utilisé aussi bien avec de l’eau qu’avec de l’huile. On distingue :

  • La « tempera maigre » dans laquelle l’oeuf est utilisé seul comme liant et dilué avec de l’eau. C’est une des techniques de peinture les plus anciennes. Les oeuvres réalisées ont conservé jusqu’à nos jours une fraîcheur de ton inégalée. Elle a été employée jusqu’au début du XVe siècle par les peintres comme BOTTICELLI. Les peintres d’icônes ont continué à pratiquer cette peinture sur bois

Le blanc d’oeuf a été utilisé à l’époque des enluminures comme adjuvant lorsqu’il fallait broyer un pigment dans le but de travailler à la plume et non au pinceau. De même, le vernis au blanc d’oeuf a très tôt joué le rôle de mordant dans le procédé de la dorure.

Des peintres plus contemporains comme VIERA DA SILVA ou ROTHKO se sont réappropriés la tempera à L’oeuf. Ce dernier avait demandé au magasin SENNELIER à Paris de créer des tubes tout prêts de grands formats (en rapport avec la taille de ses toiles !).

  • La « tempera grassa », dans laquelle l’oeuf joue le rôle de médium, est un mélange d’oeuf, d’huile et de vernis. Cette technique est en fait la première forme de peinture à l’huile. Elle est attribuée au peintre flamand VAN EYCK.

De l’oeuf, on peut utiliser soit le jaune, soit le blanc, soit les deux, dans des proportions diverses. Le jaune et le blanc présentent des caractéristiques différentes :

  • Le jaune contient 50% d’eau, 30% de lécithine dite « huile d’oeuf » et de l’albumine. Il donne beaucoup d’onctuosité à la pâte et de la solidité au feuil (film).
  • Le blanc contient 85 % d’eau (très aqueux), des traces d’huile (très maigre) et 12% d’albumine. Il donne de la transparence et rend les couleurs très vives, mais moins de moelleux et plus de fragilité (friable au séchage). On peut le battre pour le rendre plus fluide.

Le mélange du jaune et du blanc permet de préparer des pâtes très souples et de profiter des qualités de chacun des composants. Il revient à chacun de déterminer cet équilibre en fonction des résultats souhaités. La tempera maigre autorise des passages très subtils entre les tons, elle permet la superposition des couches sans que les anciennes ne se remettent en solution. On peut obtenir différents degrés d’opacité, d’une transparence qui laisse apercevoir jusqu’à l’ébauche et s’apparente à l’aquarelle, à un rendu très proche de la peinture à l’huile.

Il est préférable de prévoir un temps de séchage minimum (quelques minutes) sous peine d’arracher les sous-couches inférieures encore trop fragiles. Le temps de séchage durant le travail est celui des autres techniques à l’eau (gouaches, acryliques).

Le jaune de l’oeuf sèche par évaporation de son eau, puis par oxydation plus lente de son huile. Il devient alors insoluble à l’eau mais garde une grande souplesse.

Il s’agit du liant préféré pour la peinture de fresques. Dans ce cas, l’adjonction de cire est utile sur les murs en plâtre situés à l’extérieur, afin de rendre la fresque définitivement imperméable à l’eau.

PascalePour préparer une tempera maigre on peut mélanger le pigment avec de l’eau (de préférence distillée) ou avec du liant méthyl-cellulose qui permet d’accroître l’onctuosité de la peinture (agent d’empâtage des pigments, mais aussi résine pour la fabrication des gouaches traditionnelles). On obtient une pâte épaisse, on incorpore le même volume de jaune d’oeuf d’une façon bien homogène (avant d’utiliser le jaune, il faut auparavant enlever le germe et la peau en pinçant délicatement le jaune entre les doigts). On ajoute à nouveau de l’eau selon les besoins (suffisamment liquide si on veut éviter les empâtements, l’assombrissement des couleurs et la possibilité de craquelures).

On peut trouver du jaune et du blanc d’oeuf lyophilisés dans certains magasins de peinture (SENNELIER, MARIN). Les produits sont à reconstituer avec de l’eau distillée. Leur emploi, même s’il présente moins de charme, peut s’avérer pratique en déplacement à l’extérieur et de manipulation plus aisée notamment pour les enfants.

Si la partie colorante du jaune a des effets sur les couleurs claires et délicates, on peut faire macérer le jaune d’oeuf dans un bain d’éther afin de le blanchir sans lui enlever sa qualité de liant.

De par sa nature, l’oeuf est un aliment pour les micro-organismes, il est donc nécessaire d’ajouter à toutes les préparations quelques gouttes d’un conservateur (chimique, essence de clou de girofle, vinaigre, vins blancs doux, citron, lait de figue ou même jus de persil) et de toujours utiliser des récipients propres.

Pour les adeptes de peinture en plein air sur le motif, la compagnie de nos amis les insectes est assez fréquente surtout en été (dans ce cas, l’essence de clou de girofle ou le vinaigre se révèlent plus efficaces en raison de leur odeur).

La préparation une fois réalisée devra être conservée au réfrigérateur, elle sera utilisable aussi longtemps que l’odeur sera bonne.

Il est possible de l’enrichir en lui additionnant différents ingrédients avec les caractéristiques qui leurs sont propres :

  • de la gomme arabique : (produit végétal, exsudation d’un Acacia africain soluble dans l’eau) permet de se rapprocher des propriétés de transparence et de luminosité de l’aquarelle (15 à 30 cl d’eau gommée pour un jaune d’oeuf) ;
  • de la glycérine : assouplit et retarde le séchage (3 gouttes pour un jaune d’oeuf) ;
  • du miel de variété classique et transparent : apporte conservation, souplesse, onctuosité, « temps d’ouverture » plus long ;
  • de la caséine : effet plus mat ;
  • du lait ;
  • un liant acrylique de type 35 ou 350 ;
  • de la cire combinée à des résines tendres (dammar ou plus rarement mastic) ou dures (le copal, l’ambre) et/ou de la gomme arabique en grande quantité pour compenser la mollesse et la fragilité de cet adjuvant (2 cuil. à café pour un jaune d’oeuf) ;
  • du vernis ou gomme dammar : (résine fossile soluble dans l’essence) renforce l’émulsion, la peinture est plus résistante et les couches inférieures sont moins fragiles lors des superpositions ;
  • de la dextrine : utile pour l’empâtement et les grands coups de brosses, mélanger préalablement avec du vinaigre blanc, utiliser en petites quantités car elle favorise les craquements.

La peinture à l’oeuf terminée, il est possible de conserver l’aspect mat ou satiné, ou éventuellement vaporiser un fixatif (type Lascaux). On peut également passer un vernis au blanc d’oeuf (battu auparavant pour faciliter son application) ou composé de résines (dammar), mais il est préférable d’attendre quelques mois, car le cycle complet de séchage prend 6 mois à un an. Il faut éviter durant cette période les endroits trop humides.

Pour préparer une tempera grassa on incorpore progressivement de l’huile (de lin décolorée, de noix ou de carthame) dans le jaune d’oeuf tout en mélangeant. Il est possible de l’enrichir avec des résines : dammar, élemi (plus de souplesse), térébenthine de Venise (plus de dureté). Les pourcentages peuvent varier selon la pâte et le rendu souhaité (exemple : jaune d’oeuf + 20% d’huile de lin + 5% de résine dammar par rapport au volume de l’oeuf), mélanger à nouveau.

Le diluant est l’essence de térébenthine (elle a aussi une fonction de médium car elle apporte des résines protectrices et solidifiantes que ne contient pas l’eau. Dans ce cas, compter 1/10e à 1/20e du volume d’eau) ou de pétrole.

La tempera grassa autorise des superpositions que l’huile seule ne permet pas. Elle réduit le jaunissement et donne un aspect plus velouté à la peinture.

On peut également réaliser une ébauche à l’oeuf seul et terminer à l’huile et oeuf. La règle du gras sur maigre s’applique comme dans la peinture classique.

Les supports peuvent être variés : le carton, la toile, le bois, les murs…

Les fonds peuvent être préparés de manière traditionnelle : colle de peau, encollage universel, Caparol (vinylique), liants acryliques (type 35 ou 350), Gesso, mais ce n’est pas indispensable. On peut utiliser du jaune d’oeuf seul (effet de réserve qui permet de revenir au blanc du papier) ou avec des pigments tels que le blanc de titane ou de zinc, mais aussi du blanc d’oeuf seul. Il ne faut pas incorporer d’huile.

En conclusion, il est conseillé d’aborder la tempera à l’oeuf de la manière la plus simple possible : ¾ de jaune d’oeuf, ¼ de blanc d’oeuf, eau distillée et quelques gouttes de conservateur sur un papier aquarelle assez épais (grammage > 200) ou toilé.

Comme en gastronomie, les recettes de peinture à l’oeuf sont innombrables. Les méthodes les plus classiques apportent des solutions stables, éprouvées par le temps, mais chacun peut faire de nouveaux essais avec les risques que cela comporte !

 

Adresses utiles :

 

GEANT DES BEAUX-ARTS
13, rue Vergniaux

75013 PARIS
Tél : 01.40.78.00.80

HMP-BDA
8, rue de Prague

75012 PARIS
Tél : 01.43.41.59.45 

PASSAGE CLOUTE
8, rue des Boulets

75011 PARIS
Tél : 01.44.64.94.92 

MARIN
70, avenue Gabriel-Péri

BP 51
94115 ARCUEIL
Tél : 01.47.40.04.20 

SENNELIER
Magasin Principal

3, quai Voltaire
75007 PARIS
Tél : 01.42.60.72.15